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Bien-être

Tous une bonne raison de vouloir un câlin

Par PasseportSante.net | 02 mars 2016 à 15h47
A l’ère de l’ultra-communication, le câlin a une saveur particulière. Spontané, il est l’élan qui nous jette dans les bras de l’être aimé. Mutuel, on le reçoit autant qu’on le donne. De quoi aiguiser la curiosité de nombreux scientifiques, de l’anthropologie aux neurosciences. Nous avons besoin de quatre câlins par jour pour survivre, de huit pour fonctionner et de douze pour croître.

Notre besoin de toucher et de prendre dans ses bras s’inscrit au plus profond de l’histoire de notre espèce. La preuve, nos proches cousins, les primates anthropoïdes, pratiquent eux aussi ces échanges tactiles. Au lieu de s’adonner aux câlins et massages, ils s’épouillent. Certes, l’épouillage vise d’abord à débarrasser la fourrure des parasites, des bouts de végétation ou peaux mortes qui s’y logent. Mais comment expliquer que certaines espèces y passent plusieurs heures alors que quelques minutes suffisent à obtenir une fourrure propre? Et pourquoi les gros ne sont pas épouillés plus longtemps que les petits? Le Pr Dunbar de l’Université d’Oxford s’est penché sur plusieurs études pour répondre à ces questions1. Selon lui, l’intérêt de l’épouillage dans les groupes de primates est avant tout social. Il vise à établir des relations basées sur la confiance, des "amitiés" sincères. En un mot, "je ne t’épouille pas pour obtenir directement des bénéfices mais pour te témoigner mon soutien".  D’ailleurs, les femelles conservent les mêmes partenaires d’épouillage tout au long de leur vie. Chez les grands singes, comme chez nous, un câlin vaut mieux qu’un long discours pour témoigner son amitié!

Une sensation de bien-être. Au commencement, il y a le toucher. Ce formidable moyen d’établir un contact avec le monde extérieur et avec l’autre. Puis, il y a la caresse et le câlin, qui s’accompagnent d’une douce sensation de bien-être et de relaxation. D’où viennent ces sensations? En particulier de la libération d’une hormone dans le sang: l’ocytocine. L’ocytocine est avant tout associée à la maternité. Sans elle, pas d’accouchement ni d’allaitement possible. Mais l’hormone s’immisce à toutes les étapes de notre vie sociale. Dans nos relations amicales comme dans nos relations amoureuses. Par exemple au cours d’un jeu, recevoir intentionnellement une somme d’argent de la part d’un autre joueur augmente le taux l’ocytocine, ce qui renforce la coopération et la confiance2. Une autre étude a montré que chez certains rongeurs, une élévation du taux de l’hormone les poussait à choisir un seul partenaire et à se blottir contre lui3. Bien que polygames, ils reproduisaient un comportement de couple sous l’effet de l’hormone. L’ocytocine injecte donc une dose d’attachement dans nos câlins. S’il fallait une dernière donnée pour se convaincre de ses bénéfices, la psychologue Karen Grewen avance que les personnes heureuses en couple ont un taux d’ocytocine dans le sang significativement plus élevé que celles qui subissent leur union4.

Les vertus thérapeutiques de la tendresse. Le câlin n’a pas que des effets sur nos comportements. Celui qui en abuse serait même moins sujet aux gros rhumes et à l’hypertension. “Un câlin par jour pour passer l’hiver”, c’est ce que prescrit en substance le psychologue américain Sheldon Cohen, de l’Université de Carnegie-Mellon de Pittsburg (Pennsylvanie)5. Avec son équipe, il a voulu déterminer si les câlins et le soutien de l’entourage permettaient de mieux faire face aux virus de l’hiver. Pendant deux semaines, il a contacté tous les soirs les 406 participants de l’étude pour recenser le nombre de câlins et de conflits de la journée et recueillir leurs sentiments sur leur situation sociale. Puis, le scientifique a isolé les volontaires, les a sciemment exposés à un des virus du rhume et a observé l’évolution de la maladie. Résultat: plus il était soumis aux conflits, plus le sujet était vulnérable à l’infection. A contrario, un soutien et un nombre de gestes tendres élevés réduisaient la gravité des symptômes! Et sur l’organe des émotions par excellence, le coeur, quel effet a le "hug"? Deux chercheuses en psychologie de l’Université de Caroline du Nord, Karen Grewen and Karen Light, ont consacré plusieurs années d’étude à ce sujet. Chez les couples, elles ont prouvé que l’étreinte et la présence de l’autre réduisait de moitié l’augmentation des battements du coeur dans une situation stressante6. Chez les femmes ménopausées, les câlins réguliers augmentaient le taux d’ocytocine, tout en abaissant la tension artérielle7.

Le câlin, ce besoin vital. Chaque étreinte laisse en nous une émotion, un souvenir particulier. Un câlin n’est jamais anodin, surtout dans les premières années de la vie. Le psychiatre et psychanalyse John Bowlby l’a expliqué mieux que quiconque. On lui doit la théorie de l’attachement, une référence pour comprendre la psychologie de l’enfant. Le Dr Bowlby a une trentaine d’années pendant la seconde guerre mondiale. A cette période en Europe, les orphelins se multiplient chaque jour. Un des collègues de Bowlby, le Dr Spitz, observe que les nourrissons séparés de leur mère et qui ne reçoivent pas d’affection d’une tierce personne sont atteints de troubles graves. Au début, le bébé abandonné hurle et se débat pour manifester son besoin d’attention. Sans réponse de son entourage, il devient progressivement indifférent aux sollicitations. Puis, il arrête de s’alimenter, ne dort plus et régresse sur le plan moteur et psychique. Enfin, il atteint un état grave de dénutrition qui peut conduire à la mort8. En parallèle des constatations cliniques de Spitz, une série d’expériences va fortement influencer Bowlby. Leur objectif? Observer l’impact de la relation mère-petit et des contacts sociaux sur le développement de singes... en les privant dès leur naissance de tout contact. Au bout de quelques mois d’isolation, les jeunes singes étaient réintroduits dans le groupe. Loin de se mêler à ses congénères, l’animal restait prostré dans un coin de la cage en se balançant d’avant en arrière (un comportement que peuvent avoir les enfants autistes). Il ne montrait pas plus d’intérêt pour le jeu ou les rapports sexuels9. John Bowlby en est désormais persuadé: "l’attachement est un besoin humain inné".  La psychologue Violaine Pillet explique10: "l’enfant humain vient au monde avec une prédisposition à participer aux interactions sociales. Le bébé a besoin d’un lien d’attachement précoce et continu car il naît immature et dépendant, et la recherche de proximité maternelle est un besoin primaire. L’amour ne renforce pas la dépendance, il donne de l’assurance pour une ouverture au monde extérieur." Pour Bowlby, l’attachement entre la mère et l’enfant se construit au travers de différentes interactions comme la tétée, le regard, le sourire… ou encore l’étreinte11.

Le câlin, essentiel pour tous. C’est parce qu’il est essentiel à notre équilibre que le câlin fait autant parler de lui. On lui dédie même une journée internationale depuis les années 1970, le 21 janvier. La psychologue américaine Virginia Satir affirme que "nous avons besoin de quatre câlins par jour pour survivre. Nous en avons besoin de huit pour fonctionner. Et de douze pour croître."12 Que faire quand les gestes tendres viennent à manquer et que la peau “crie famine”? Adopter un animal de compagnie pourrait être une solution. La présence d’un chat ou d’un chien à ses côtés apporterait du réconfort et permettrait de réduire le stress et l’anxiété. D’ailleurs, l’attachement et l’affection que nous portons à nos compagnons à 4 pattes peuvent être aussi importants que ceux que nous connaissons entres humains13. Mais il n’est pas nécessaire d’être propriétaire d’un animal pour en tirer des bénéfices. Une étude a montré que la visite régulière d’animaux en centre de soin améliorait les conditions de vie des pensionnaires. Chez ces personnes âgées plus isolées, être en contact avec un chien ou d’un chat boostait l’estime de soi, la joie de vivre, les interactions avec les autres, tout en réduisant la dépression14. Pour ne plus passer à côté de ces instants rares, la psychologue Céline Rivière conseille: "ne cherchez pas l'amour pour avoir des câlins, inversez les choses: laissez-vous aller à faire des câlins et à vous faire câliner pour faire tomber les barrières que la peur a érigées." Et vous, à quand remonte votre dernier câlin ?



Sources

1. R.I.M. Dunbar "Review : The social role of touch in humans and primates: Behavioural function and neurobiological mechanisms" Neuroscience and Biobehavioral Reviews 34 (2010) 260–268

2. Zak, P.J., Kurzban, R., Matzner, W.T., 2004. The neurobiology of trust. Ann. NY Acad. Sci. 1032, 224–227.

3. Carter, C.S., DeVries, A.C., Getz, L.L., 1995. Physiological substrates of mammalian monogamy: the prairie vole model. Neurosci. Biobehav. 16, 131–144.

4. Elias M. Hugs can do a heart good. USA Today. March 8, 2004:7D.

5. Cohen S et al "Does hugging provide stress-buffering social support? A study of susceptibility to upper respiratory infection and illness.Psychol Sci. 2015 Feb;26(2):135-47. doi: 10.1177/0956797614559284. Epub 2014 Dec 19.

6. Grewen KM, Anderson BJ, Girdler SS, Light KC. Warm partner contact is related to lower cardiovascular reactivity. Behavioral Med. In press.

7. Light KC1, Grewen KM, Amico JA."More frequent partner hugs and higher oxytocin levels are linked to lower blood pressure and heart rate in premenopausal women.Biol Psychol. 2005 Apr;69(1):5-21. Epub 2004 Dec 29.

8. "La dépression et les carences affectives chez le nourrisson"  Rédaction : M Maury - Relecture : JP Visier - Relecture 2008 : JP Raynaud (notes de cours, pdf)

9. Le cerveau à tous les niveaux "Capsule histoire : L’isolation et ses effets dévastateurs sur le comportement social." accessible sur le site http://lecerveau.mcgill.ca/ [consulté le 03/02/2016]

10. Pillet Violaine, « La théorie de l'attachement : pour le meilleur et pour le pire. », Dialogue 1/2007 (n° 175), p. 7-14. URL : www.cairn.info/revue-dialogue-2007-1-page-7.htm. DOI : 10.3917/dia.175.0007.

11. Notes de cours “Psychologie du développement, orientation psychanalytique, le concept d’attachement, la théorie de Bowlby” accessible sur http://www.la-psychologie.com [consulté le 03/02/2016]

12. Marlène Duretz "Pourquoi il ne faut pas oublier les câlins" M le magazine du Monde, publié le 20/01/2016 sur http://www.lemonde.fr

13. Barker, S.B (1993). Pet owners no longer grieve alone. American Counsellor, 2, 26-31.

14. Francis, G., Turner, J.T., Johnson, S.B. (1985). Domestic animal visitation as therapy with adult home residents. International Journal of Nursing Studies, 22, 201-206.

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